Au milieu d'une plaine gelée,
Le noir corbeau,
Tranquille et solitaire
Fouille de son bec expert,
Le sol brillant d’un éclat argenté.
Ce qu’il cherche, nul ne le sait.
Quelques graines à picorer ?
Quelques trésors abandonnés ?
Dans cette solitude blafarde
Nul n’est présent pour le lui demander.
Il poursuit son ouvrage
D’un oeil droit et sûr
Piquant ici et taillant là
Relevant la tête sans un bruit ni murmure
Semblant ne rien trouver ni jamais être las.
C’est alors qu’il s’arrête
Le bec mi-noyé
Puis secoue, tire en biais, d’un côté
Puis de l’autre, et d’un mouvement sec
Relève la tête, semblant avoir trouvé.
Qu’as tu là vieil oiseau que l’on dit de malheur ?
Qu’as tu donc trouvé qui comble ton bonheur ?
Quel est l’objet, celui de ton désir
Qui t’a amené ici, à manquer de périr ?
Qui sait ce qu’il pense
Ce qu’il pourrait nous dire
Sans flottement ni errance
Il déploie ses ailes
Et laisse voir son cuir.
La Lune, son amie, le guide dans les airs
Gardant sa vive allure et son regard fier
Il tient dans son bec son trésor mystérieux
Mimant, par cet entrefaite, les messagers des dieux
Alors il ralentit et incline la tête
Sa nouvelle direction pointe une maisonnette
Bordée d’un lac gelé ou rien n’y vit ni meurt
Il se pose et semble attendre l’heure.
Un point noir apparait
Dans l’horizon lugubre
Le corbeau patiente, et la forme grossit
La chose est proche et c’est un drôle d’ami
Qui se présente au messager des nuits.
Un cygne noir qui semble triste et honteux
Les plumes maigres et le bec noueux
Il serait comme mort s’il ne posait son regard
Brillant de larmes claires sur le beau corbeau noir.
Ce dernier, sans un chant ni un bruit,
Enfonce de son bec, dans le cygne qui crie
Son trésor, cette graine, en plein milieu du cœur
Cette relique sacrée dans ce cygne qui pleure.
Le cygne s’effondre, le corbeau s’en retourne
Sans remord, ni regret, il va où il séjourne.
Ce n’est plus son affaire mais celle du temps qui passe,
Eté arrive, du cygne noir nous ne trouverons plus trace.
A la place se dressera un bel oiseau blanc
Aux plumes majestueuses et au merveilleux chant
La forêt et les plaines chanteront avec lui
Des cantiques royaux pour l’Astre qui luit !