mercredi 26 octobre 2005

L'essence du politique et la question de Dieu

 Cet article me semble moins intéressant par son contenu concret que parce qu'il présente de mon rapport à la question de Dieu au regard de mes évolutions ultérieures ( note de 2019).

Hannah Arendt

Dernièrement j'ai eu une discussion intéressante avec une amie au sujet de la foi.

Je lui expliquais ma position vis-à -vis de la croyance en Dieu. Position que l'on qualifierait grossièrement de sceptique : je ne sais pas si Dieu existe ou non; s'il existe, la diversité des religions me pose le problème de savoir comment le définir etc... Conclusion : je ne cherche pas Dieu. S'il existe j'attendrai qu'il vienne à moi, s'il ne vient pas je ne me pose pas la question. Cette position n'est pas lâche, elle est pratique. Pour moi la question de Dieu est la même que celle des extraterrestres : ils existent peut-être, nous en rencontrerons peut-être, mais pour l'instant cela ne me concerne pas. Pourtant, allez-vous me rétorquer, si personne ne cherchent les extraterrestres, nous réduisons les chances d'en trouver. Je suis d'accord avec vous. C'est pour cette raison que cette position est personnelle. Le monde a besoin de chercheurs d'extraterrestres, de chercheurs en des domaines qui ne nous semblent pas urgent etc... Sinon nous n'avançons plus. Si j'ai choisis de mettre Dieu et les extraterrestres de côté dans ma réflexion personnelle, c'est que ces deux problèmes ne me touchent pas. Mon problème c'est l'homme, l'humanité. Si je me pose la question de Dieu (et je me la pose souvent) c'est en rapport avec cette problématique sur l'homme, mais jamais pour moi-même.

Cette position pose problème a un croyant. Pour lui la religion est le socle de son existence. La personne avec qui je discutait me disait: si tu ne crois pas en Dieu c'est que tu ne le cherche pas. Pascal disait la même chose: avoir la foi c'est faire un saut. Le moment ou l'on cherche véritablement Dieu est le moment ou on le trouve. Et effectivement, cette personne avait raison: je ne cherche pas Dieu. Dieu est un problème qui m'est extérieur. S'il est un problème qui me passionne, c'est qu'il est ancré profondément dans la l'humanité.

Ce que mon interlocutrice a eu du mal à saisir, c'est que je puisse réellement ne pas chercher Dieu. Que la question de l'existence de Dieu soit pour mon régime interne de vie, indifférente.

Or la discussion a dérivée vers une problématique intéressante : où placer l'espoir si on ne le place pas en Dieu ? Je lui ai répondu : en l'homme. Mais l'homme est capable des pires atrocités, comment placer son espoir en lui ? Je lui ai répondu : l'homme est capable des choses les plus belles. Seulement les choses les plus belles ne sont possible, pour mon interlocuteur, que parce que Dieu existe. Si l'homme est capable de faire de belles choses, c'est qu'il est capable de s'oublier lui-même, et cela n'est possible que grâce à Dieu.

À ce niveau là de la discussion, les argumentations manquaient. Je sentais que nous étions positionnés sur deux visions du monde différentes qui ne pouvaient être réconciliées. Si Dieu n'existe pas, son espoir ne tenait plus debout. Si l'homme est naturellement et profondément mauvais, alors c'est le mien qui n'est pas viable.

C'est en lisant Qu'est-ce que la politique ? de Hannah Arendt, que des éléments me sont venus pour renforcer mon argumentation. Ou plutôt pour régler le problème.

« La politique prend naissance dans l'espace-qui-est-entre-les hommes, donc dans quelque chose de fondamentalement extérieur-à-l'homme. Il n'existe donc pas une substance véritablement politique. La politique prend naissance dans l'espace intermédiaire et elle se constitue comme relation. »
« La réponse qui place l'homme au centre du souci contemporain et qui prétend de voir le changer et lui porter secours est profondément non politique. » 
« Car le monde et les choses du monde au milieu desquels se déroulent les affaires humaines ne sont pas l'expression de l'essence humaine, ou pour ainsi dire le sceau qu'elle imprime de l'extérieur, mais résultent au contraire de ce que les hommes sont capables de produire ce qu'ils ne sont pas eux-mêmes - à savoir des choses » 
« l'homme lui-même possède manifestement le don miraculeux et mystérieux de faire des miracles. Ce don, nous l'appelons, dans le langage courant et éculé, l'agir. »

Mettons notre espoir, non pas dans l'essence de l'homme, mais dans l'homme en tant qu'il est en relation avec d'autres hommes et avec un monde de choses qui le définit, et qu'il définit. Plaçons notre espoir dans l'action de l'homme.

Ce qui apparaît alors est la confrontation de deux modèles politiques. L'un met en avant la sphère publique, l'autre la sphère privée. L'un place la vertu dans l'action, l'autre dans la conscience.