mardi 28 février 2017

Denktagebüch n°1 - Novembre 2004 partie 1

Les Denktagebüchen sont littéralement des "journaux de pensées" dont le nom fut inspiré par le Denktagebüch d'Hannah Arendt traduit en 2005 aux éditions du Seuil en deux volumes.

Mais l'inspiration initiale provient des "Pensées" de Pascal.



Ce sont des pensées écrites sur le vif, sans ordre sinon celui chronologique.

Mon objectif est de parcourir ces carnets et de sélectionner les fragments de pensées lisibles et encore compréhensibles pour les commenter.

Nous commençons en Novembre 2004 :

« Je prétends jouer à l'absurde pour montrer l'absurdité de notre condition. En réalité j'ai le beau rôle : je suis hors d'atteinte des critiques de lâcheté, je passe pour sage et m'en amuse. »

Ce texte fut en écrit en période de découverte des Pensées de Pascal. Les Pensées eurent un impact considérable sur moi et me firent prendre conscience de la bataille qui se livrait en mon esprit entre ce que Pascal appelle le Pyrrhonisme et le Dogmatisme.

Le courant sceptique est un courant de sagesse, or je me situe ici en-dehors de cette sagesse bien que j'en prenne les atours. Voici le fragment de Pascal permettant de comprendre au mieux ce paradoxe :

« Nous avons une impuissance de prouver invincible à tout le dogmatisme.
Nous avons une idée de la vérité invincible à tout le pyrrhonisme.»
Pascal, Pensées n°25 (édition Sellier )

Pascal fait l'expérience du balancement, chez tout être humain, entre scepticisme et  dogmatisme. Le sceptique est plein de certitudes, et le dogmatique ne peut jamais prouver parfaitement ses certitudes.

Cette instabilité de la condition humaine, qui parcours toutes les Pensées, est un élément tragique. Pascal réagit face au tragique de l'existence humaine par un retrait du monde et le désir d'une vie ascétique, alors que dans ce texte j'enfile le costume du fou : celui qui par le rire et la dérision fait ressortir l'absurdité du monde, et la sienne propre.

La figure du fou et le thème du rire seront des objets de réflexion constant dans les années qui suivront.

« Comment rire, se divertir, chercher, créer, quand notre vie n'est que misère ? Commence concilier la présence constante à l'esprit du "divertissement" et le divertissement ? »

Ce qu'il faut entre par "la présence constante à l'esprit du divertissement" ce n'est pas le divertissement en soi, mais le concept de divertissement de Pascal.

J'étais imprégné par la réflexion critique de Pascal sur le divertissement ( qui pour lui nous éloigne du sens même de notre existence : Dieu ), mais je me divertissais, et avec plaisir. Comment pouvais-je concilier les deux sans vivre dans la contradiction, une forme de mensonge ?

Au sens pascalien le divertissement est un mensonge, c'est un voile que l'on place devant ses yeux pour ne pas souffrir de notre condition d'hommes perdus et abandonnés au néant.

La question que je posais était-elle rhétorique ou ne voyais-je vraiment pas que c'était précisément le rôle du divertissement que de nous placer dans de tels paradoxes ?

« Dégoût de nous même : nous sommes différents de ce que nous étions ; pas la même personne ( essence ? ) à chaque instant ! Le problème est-il là ? Nous n'aimons pas ce que nous ne sommes pas ? »
Ce texte un peu cryptique sortis d'un contexte oublié, me semble poser la question du désarroi dans lequel nous nous trouvons lorsque nous nous voyons évoluer dans une direction que nous n'avions pas forcément prévu. Comme si le moi passé était toujours présent, en retrait, pour juger le moi du présent qui lui appréhende déjà le moi futur.

Nietzsche parlera très bien de ces "divisions" du moi ( je ne crois pas qu'il emploie un tel terme cependant ), mais je ne le connaissais pas vraiment bien à ce moment, si mes souvenirs sont bons.

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